Après avoir assisté lundi dernier à l’atelier de travail organisé par la municipalité concernant le projet de démolition du 190, rue Main, il m’a semblé qu’il me manque la réponse à deux questions importantes pour pouvoir me faire une opinion éclairée sur le sujet, à savoir :
- À quel prix la maison pourrait-elle être épargnée du pic des démolisseurs?
- Ce prix est-il justifié?
La municipalité pourrait, il me semble, fournir cette information à la population tout en respectant le cadre qu’elle a établi ou qui lui a été imposé pour prendre une décision. Cela aurait le mérite d’assainir le débat en le ramenant aux faits plutôt qu’aux opinions en plus de légitimer la décision que la municipalité prendra quant à l’avenir du 190, rue Main.
À quel prix la maison pourrait-elle être épargnée du pic des démolisseurs?
Le fait que la maison soit en très mauvais état n’est remis en cause par personne. Comme elle est louée, on peut présumer qu’elle n’est pas dangereuse dans l’immédiat pour ses occupants. C’est tout ce que l’on sait pour le moment. La maison peut-elle être remise en état? Dans la mesure où l’on croit que tout bâtiment peut être rénové si l’on y met les ressources, la réponse serait « oui ». Mais à quel prix? C’est là toute la question.
Ainsi, il me semble que la première étape pour décider si la maison devrait être démolie ou pas serait d’établir une évaluation crédible des coûts de rénovation faite par une firme indépendante. Cela aurait le mérite de mettre fin aux spéculations de part et d’autre et de baser la décision non pas sur des impressions, mais sur des données. Compte tenu des passions que suscite ce dossier, la municipalité ne peut pas faire l’économie de cette étape, à mon avis.
Ce prix est-il justifié?
Une fois les coûts de rénovation évalués, il importe de décider s’ils sont justifiés. J’aimerais dire d’emblée que le raisonnement selon lequel la maison pourrait être démolie si les coûts de rénovation dépassent l’évaluation municipale ne s’applique pas ici, car il s’agit d’une maison patrimoniale. En effet, l’évaluation municipale ne tient pas compte de cet aspect, pourtant central dans le dossier. J’ai d’ailleurs été étonnée d’apprendre à l’atelier de lundi dernier que le comité de démolition n’a pas fait appel au comité du patrimoine avant de prendre sa décision. Il me semble que cela devrait être rectifié le plus rapidement possible.
En effet, tous s’entendent pour dire que la maison est magnifique. Mais encore? La maison possède-t-elle des caractéristiques particulières qui en font un témoignage unique de notre passé? Peut-être, peut-être pas, nous le ne savons pas. Or, avant de décider de la démolir, il me semble important de répondre à cette question.
S’il est établi que la maison possède une certaine valeur patrimoniale et qu’il serait souhaitable de la réparer, il reste ensuite la question de la valeur de la maison. Il me semble qu’une façon de procéder pourrait être de comparer les coûts de rénovation de la maison à ce qu’il en coûterait pour reconstruire une maison similaire avec les mêmes matériaux. La maison est-elle si hypothéquée que ce serait plus cher de la rénover que d’en reconstruire une pareille? Dans ce cas, elle pourrait être démolie à regret. Sinon, tous les efforts devraient être faits pour la conserver.
Avant de conclure, j’aimerais dire que j’ai été touchée par le témoignage de la propriétaire de la maison à l’atelier de travail organisé par le conseil municipal sur le projet de démolition du 190, rue Main. Celle-ci se disait très affectée par la tournure des événements, car elle se voit propulsée au cœur d’un débat dans lequel elle a l’impression de tenir le mauvais rôle. Je comprends qu’il doit être difficile d’accepter que tout un chacun se prononce sur la façon dont elle souhaite disposer d’une propriété privée en mauvais état qu’elle a sans aucun doute achetée à fort prix.
Ceci étant dit, l’âge et la beauté du 190, rue Main font en sorte que la maison devient plus qu’une simple propriété privée, d’où la question délicate suscitée par l’éventualité de sa démolition : le désir de la propriétaire de jouir de son bien comme elle l’entend s’oppose à l’intérêt collectif de préserver les traces du passé. C’est pourquoi je crois qu’il importe ici de prendre du recul pour rappeler que cette question dépasse largement les personnes en cause, car la décision qui sera prise de démolir ou pas la maison aura des effets qui survivront à presque tous les participants à cette discussion. Quand nous ne serons plus là, la maison qui résultera de la décision restera.
Voilà pourquoi, à mon avis, la décision d’accorder un permis de démolition pour la maison devrait être prise seulement après avoir établi que les coûts de rénovation sont prohibitifs en regard de la valeur patrimoniale et réelle de la maison.
– Marie-Christine Richard