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Je suis allé à l’assemblée du Conseil lundi dernier et l’atmosphère de lourdeur, de non-transparence et de méfiance réciproque m’a convaincu qu’il fallait écrire collectivement, « à vous nos élus », sans passer par les filtres de défiance de votre administration face aux gens qui pensent autrement. J’écris donc cette opinion libre dans La Tribune.
Cela fait près de quatre ans que vous, élus actuels de notre conseil municipal, êtes à la recherche de solutions pour agrandir une assiette fiscale trop lourde à supporter pour une petite communauté. Du même élan, vous cherchez à offrir une qualité de service qui permettrait à des familles de s’y installer et aux commerces d’y vivre adéquatement. Vous souhaitez prospectivement répondre positivement à l’attrition et aux besoins d’une population vieillissante tout comme au départ des forces vives vers les centres urbains. Enfin, comme toute municipalité, vous souhaitez rentabiliser les zones inhabitées, rehausser et moderniser le parc immobilier. Nous sommes conscients des efforts à consentir pour résoudre de telles équations, mais aussi, à quel point il est impératif de les inscrire dans un plan d’ensemble, dans une vision et dans un consensus.
Durant tout votre mandat, vous avez investi beaucoup d’efforts à appuyer presque sans retenue un seul projet comme la solution à l’ensemble des problèmes de la municipalité. Vous avez tracé et facilité le chemin au projet d’un seul et même promoteur propriétaire de ce grand espace inondable au coeur du village. Et vous n’avez ménagé aucune énergie pour que la vision de ce promoteur fasse son chemin contre l’avis éclairé d’une partie de la population s’opposant à ce choix.
Au-delà des « mécanismes démocratiques » trop souvent utiles pour encadrer des arguments difficiles à entendre, il y a certainement eu manquement de votre part quant à « l’esprit de la démocratie », vu ce climat de méfiance et de dissension qui s’est installé entre les tenants de visions différentes, ceux de « l’économie d’abord », d’une part, et ceux du « développement harmonieux de la communauté sous tous ses aspects », d’autre part. Visions différentes, mais malgré tout réconciliables pour peu qu’on agisse en « bon père de famille » qui écoute et décide à partir des opinions de tout le monde.
Depuis que ce projet chemine à travers assemblées, réunions et instances supérieures, vous vous êtes privés des connaissances techniques et des lumières tout aussi avisées que celles de vos experts-conseils, préférant croire et claironnant que ceux qui s’opposent ne veulent aucun changement. Et vous vous êtes surtout privés de la profondeur du vécu communautaire de ces personnes. Somme toute, vous avez cru économiser des efforts et avez succombé à la solution facile d’un développement économique qui n’aura sans aucun doute rien de durable. Qui viendra acheter à fort prix un condo en zone inondable sans assurance de pouvoir s’assurer contre les risques?
Nous venons de traverser un printemps difficile à l’échelle nationale, dû justement au principal objet du litige, soit la construction de plusieurs immeubles de 3 à 5 étages totalisant quelque 210 condos en zone inondable. Ce que le Québec vivait durement aurait dû, à l’instar des gouvernements, vous faire réfléchir un peu plus loin et vous mettre à l’écoute plus sérieusement des arguments solides de certains opposants qui avaient sonné la cloche depuis longtemps.
Pire, vous n’avez pas « planifié » ou imaginé votre municipalité autrement qu’à travers cette idée de « masse de condos », sans doute lucrative pour le promoteur, mais combien risquée pour l’avenir de la communauté. Vous n’avez pas fait l’exercice d’y regarder de plus près et de dégager une vision générale acceptable pour tout le monde et à laquelle seraient soumis les gestes municipaux dans les années à venir. Des expériences existent pourtant en ce sens pour répondre aux mêmes préoccupations que celle de la municipalité.
Maintenant que le gouvernement du Québec se propose de revoir sa politique en regard des zones inondables, au lieu d’aller demander d’être l’exception à la règle, il serait peut-être temps de faire quelques pas prudents du côté de vos commettants et de reprendre les rênes du développement de votre municipalité avec une attitude plus ouverte, plus respectueuse de ce qu’elle est fondamentalement et plus inclusive des idées qui y ont cours. Vous avez l’occasion de redevenir les élus de tout le monde et non ceux d’un seul promoteur. Au lieu de vous buter, pourquoi ne pas ouvrir un vrai dialogue entre tous (jeunes, vieux, commerçants, retraités, jeunes familles, etc.) pour qu’on recherche de nouvelles avenues de développement et qu’on y pose des gestes à la mesure de nos capacités, de notre rythme et de nos ressources? Pourquoi ne pas regarder plus sérieusement le regroupement des municipalités autour de ce lac?
North Hatley, comme vous le clamez souvent et à juste titre, est un bijou dont il faut préserver le lustre en tirant profit tout autant de ses forces que de ses contraintes. C’est visuellement un patrimoine en soi que des interventions trop clinquantes et non pertinentes à son environnement hydrique délicat, à sa communauté et au bon voisinage des cultures fondatrices, pourraient rapidement ternir.
« Small is Beautiful » s’applique parfaitement à son cas. Mais « Small is Beautiful » n’est pas synonyme de refus de l’évolution, de la modernité et de l’essor économique.
North Hatley a besoin de se construire une vision à long terme et de faire place à tout projet qui ira dans le sens d’un consensus obtenu par une vraie démocratie participative. North Hatley, comme le reste de la planète, doit inscrire dans cette vision, la fragilité, la protection et la mise à contribution de ses écosystèmes qui heureusement, par leur beauté, sont le fer de lance de l’économie du village.
À l’aube d’un prochain rendez-vous électoral, est-il pensable que le conseil municipal adopte des gestes responsables et concertés en regard de l’avenir?
Est-il pensable que les élus reprennent le contrôle d’un agenda qu’ils auront concerté avec leurs commettants et qu’ils répondent directement et sans filtre aux interrogations qui leur seront inévitablement transmises?
Est-il pensable que les élus soient vraiment médiateurs entre tous les intérêts et les forces en présence?
Il y a beaucoup à faire ici et il y a un relais à transmettre à des jeunes qui verront les choses à la lumière d’autres modèles et dont la principale préoccupation de survie tiendra obligatoirement compte de l’environnement.
La démocratie n’est pas un jeu déchirant qui doit se jouer tous les quatre ans. Elle est un exercice qui se fait au jour le jour, souvent dans la confrontation, dans la recherche de compromis et dans le respect des idées et des différences.
Vincent Ranallo, North Hatley
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