Paul St-Pierre : Mémoire déposé lors de la consultation publique sur les inondations printanières 2017 

(English follows)

Je voudrais commencer par dire que j’applaudis le gouvernement d’avoir adopté ce projet de décret concernant la déclaration d’une zone d’intervention spéciale sur le territoire de certaines municipalités locales affectées par les inondations survenues en avril et en mai 2017. J’ose espérer qu’il tiendra bon dans son intention de réduire les effets des inondations saisonnières et ira jusqu’au bout de sa réflexion sur les moyens de le faire. Mon intervention portera principalement sur la présence de North Hatley dans la liste des municipalités présentée à l’annexe 1 du décret. Mon argument est que North Hatley doit absolument y figurer et que doit être déclarée zone d’intervention spéciale la partie de son territoire située en zone de grand courant.

Bien sûr, le conseil municipal et le directeur général de la municipalité du village de North Hatley ont travaillé fort et depuis longtemps sur un plan de gestion applicable à la zone d’inondation, plan qui permettrait la construction de trois bâtiments résidentiels (210 condominiums), et de deux bâtiments commerciaux. Mais si le conseil municipal et le directeur général ont travaillé fort, ils ont aussi travaillé aveuglément, en fermant les yeux sur les faits – que la zone prévue pour la construction des résidences s’inonde régulièrement et sévèrement. La carte de la zone d’inondation à North Hatley, datée mai 2017, à laquelle se réfère le plan de gestion adopté par la MRC de Memphrémagog le 21 juin dernier, le confirme. Plus de 84 % de l’emprise au sol des bâtiments résidentiels  préconisés dans le plan de gestion (voir tableau 4, à la page 28) se situe dans la zone de grand courant! Lorsqu’il y aura inondation, il y aura évacuation – aux frais des contribuables de toute la province, de tout le pays même, et non seulement aux frais de ceux qui auront profité de la construction : c’est-à-dire, le promoteur et la municipalité.

Le conseil municipal, où du moins les trois conseillers (en fait la moitié d’un conseil municipal) ayant voté pour la résolution que vous présente le maire et le directeur général de la municipalité, fait valoir que North Hatley est en meilleure position que les autres municipalités, que North Hatley n’a pas souffert de dommages en 2017, que North Hatley surveille mieux que les autres les niveaux des eaux – mais rien de tout cela ne change le fait que North Hatley veut permettre la construction de bâtiments résidentiels en zone de grand courant, et le ferait – pour citer le projet de décret – « dans un contexte de changements climatiques. » Si l’on permet à North Hatley de continuer dans cette voie, si l’on soustrait la municipalité à l’annexe 1 du décret, on va augmenter et non réduire, comme le veut le décret, et le gouvernement, le « nombre de personnes et de biens exposés aux inondations futures ».

On fait valoir, aussi, l’immunisation prévue des bâtiments à construire, à un niveau tout arbitraire de 32 cm au-dessus de la cote d’inondation de 100 ans (une majoration arbitraire de 20 % des débits d’eau), qui les sécuriserait en cas d’inondations. Mais est-ce que des simulations ont été faites pour établir s’il s’agit là d’un niveau suffisant? Il suffirait, très probablement, d’un évènement majeur – qui n’aurait même pas besoin d’être de l’ordre des 158 mm de pluie tombés en quelques heures à Mount Forest en Ontario le 24 juin dernier – pour démontrer le contraire. Par ailleurs, sécuriser les bâtiments en les immunisant, même cela était possible d’une manière absolue et certaine, n’empêcherait en rien que les personnes qui y sont installées devront être évacuées, éventuellement en zodiacs et par hélicoptère, et que ce sera les contribuables de Montréal, de Chicoutimi, de Jonquière et de Stanstead qui en assumeront les frais. La seule façon d’assurer la protection des personnes et des biens est de construire en dehors des zones d’inondation 0-20 ans.

Le conseil municipal appuie un projet sans savoir quelles en seront les conséquences. C’est précisément ce que le gouvernement veut éviter par son projet de décret : les conséquences désastreuses pour les résidents, mais aussi pour tous les contribuables, de construire dans des zones qui seront inondées. Accorder un statut exceptionnel à la municipalité du village de North Hatley, en la soustrayant à la liste des municipalités auxquelles le projet de décret s’applique, reviendrait à dire que le gouvernement est d’avis que la construction de bâtiments résidentiels en zone d’inondation 0-20 ans est conforme à sa politique. Accorder une telle exemption voudrait dire que l’on reste dans le statu quo, que l’on n’est pas dans « un contexte de changements climatiques, » que les inondations printanières de 2017 n’avaient rien d’exceptionnel et étaient sans grande importance. Or, l’existence même du projet de décret démontre que le gouvernement veut que la situation actuelle change, qu’il ne peut plus avoir d’exceptions possibles à la Politique de protection des rives, du littoral et des plaines inondables pour des bâtiments résidentiels. Pour cette raison, on doit maintenir North Hatley sur la liste des municipalités auxquelles s’applique le projet de décret. Et entretemps, dans les 18 mois à venir, on devrait procéder à des simulations de tombées de pluie importantes et de combinaisons de fonte rapide des neiges et de pluies, afin de vérifier l’exactitude et le sérieux des études et des projections mises de l’avant par la municipalité du village de North Hatley, et de déterminer si, en fait, les effets des changements climatiques sont susceptibles de produire des situations dans lesquelles l’immunisation des bâtiments, à quelque niveau que ce soit, reste inadéquate. Pendant cette période de 18 mois, la municipalité pourrait, de son côté, explorer la possibilité de développer d’autres terrains sur son territoire, en dehors de la zone d’inondation, car il en existe plusieurs.

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Paul St-Pierre : Brief submitted at the Public Consultation on Spring Flooding 2017

I would like to begin by saying that I applaud the government for having adopted this draft decree concerning the declaration of a special intervention zone in the territory of certain local municipalities affected by the floods that occurred in April and May 2017. I hope that the government will remain steadfast in its intention to reduce the effects of seasonal flooding and continue its reflection on the ways of doing so. My intervention will focus on the presence of North Hatley on the list of municipalities set out in annex 1 of the decree. My argument is that North Hatley should most definitely be on this list, and that the part of its territory in the high-velocity flood zone should be declared a special intervention zone.

The town council and the general manager of the Village of North Hatley have worked hard and long on a management plan that would apply to the flood zone. It would allow the construction of three predominantly residential buildings, containing 210 condominiums, and of two largely commercial buildings. But if the city council and the general director have worked hard, they have also worked blindly, closing their eyes to the facts – that the area planned for the construction of the residential buildings floods regularly and severely. The map of the flood zone produced in May 2017, to which the management plan adopted by the MRC de Memphrémagog on 21 June 2017 refers, confirms this. More than 84% of the footprint of the three residential buildings foreseen in the management plan (see page 28, table 4, Plan de gestion) is situated in the high-velocity, 0-20 year flood zone! When the area floods, residents will have to be evacuated – at the expense of taxpayers across the province and across the country, and not only of those who have benefited from the construction, i.e. the developer and the municipality.

The municipal council, or rather the three councillors – half of a full council – who voted for the resolution being presented by the mayor and the general manager of the municipality, argue that North Hatley is in a better position than other municipalities, that North Hatley did not suffer damage in 2017, that North Hatley monitors water levels better than do others – but none of these change the fact that North Hatley wants to allow the construction of residential buildings in a high-velocity flood zone, and would do so – to quote the language of the draft decree – “in the context of climate change.” If North Hatley is allowed to continue to proceed with this development, if the municipality is removed from annex 1 of the decree, this will increase – not reduce, as is the stated objective of the decree, and of the government – “the number of people and the amount of property exposed to future flooding.”

It is argued as well that the planned waterproofing of the buildings to be constructed, set at a level of 32 cm above the 100-year flooding level (based on an arbitrary projected 20% increase in water flow) makes the buildings safe in the event of flooding. But have simulations been carried out to establish if this theoretical level is indeed sufficient? A major rainfall event – even substantially less than the 158 mm of rain that fell during a few hours in Mount Forest, Ontario, on 24 June 2017 – would most probably demonstrate that it is not. Moreover, securing the buildings by waterproofing them, even if that were possible with absolute certainty, would not prevent the people living in them from having to be evacuated, possibly in inflatable boats and by helicopter, and it will be the taxpayers of Montreal, Chicoutimi, Jonquière and Stanstead who will pay the cost of doing so. The only certain way of ensuring the protection of people and property is to build outside 0-20 flood zones.

The town council is supporting a project without knowing what its consequences will be. This is precisely what the government wishes to avoid by adopting its draft decree: the disastrous effects for residents, but also for taxpayers generally, of construction in zones prone to flooding. Granting an exceptional status to the Village of North Hatley by withdrawing it from the list of municipalities to which the proposed decree applies would be tantamount to saying that the construction of residential buildings in 0-20 year flood zones is consistent with government policy. Granting such an exemption would mean returning to the status quo; it would send a signal that we are not living “in a context of climate change,” that the 2017 spring floods were nothing special and of little importance. The very existence of the draft decree demonstrates that the government wants the existing situation to change, that there can no longer be any possible exceptions to the Protection Policy for Lakeshores, Riverbanks, Littoral Zones and Floodplains in the case of residential buildings. For this reason, North Hatley must be kept on the list of municipalities to which the draft decree applies. In the meantime, over the next 18 months, simulations of significant rainfall and of combinations of rapid snowmelt and of rainfall should be carried out to verify whether the studies put forward by the Village of North Hatley have any basis in reality and whether, in fact, the effects of climate change are likely to produce situations in which waterproofing, to any level, is an insufficient response. During this 18-month period, the village should itself explore the possibility of developing other areas of its territory, outside the 0-20 year flood zone, since several such areas in fact exist.

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North Hatley a besoin d’une vision à long terme : Vincent Ranallo dans La Tribune

(English follows)

Je suis allé à l’assemblée du Conseil lundi dernier et l’atmosphère de lourdeur, de non-transparence et de méfiance réciproque m’a convaincu qu’il fallait écrire collectivement, « à vous nos élus », sans passer par les filtres de défiance de votre administration face aux gens qui pensent autrement. J’écris donc cette opinion libre dans La Tribune.

Cela fait près de quatre ans que vous, élus actuels de notre conseil municipal, êtes à la recherche de solutions pour agrandir une assiette fiscale trop lourde à supporter pour une petite communauté. Du même élan, vous cherchez à offrir une qualité de service qui permettrait à des familles de s’y installer et aux commerces d’y vivre adéquatement. Vous souhaitez prospectivement répondre positivement à l’attrition et aux besoins d’une population vieillissante tout comme au départ des forces vives vers les centres urbains. Enfin, comme toute municipalité, vous souhaitez rentabiliser les zones inhabitées, rehausser et moderniser le parc immobilier. Nous sommes conscients des efforts à consentir pour résoudre de telles équations, mais aussi, à quel point il est impératif de les inscrire dans un plan d’ensemble, dans une vision et dans un consensus.

Durant tout votre mandat, vous avez investi beaucoup d’efforts à appuyer presque sans retenue un seul projet comme la solution à l’ensemble des problèmes de la municipalité. Vous avez tracé et facilité le chemin au projet d’un seul et même promoteur propriétaire de ce grand espace inondable au coeur du village. Et vous n’avez ménagé aucune énergie pour que la vision de ce promoteur fasse son chemin contre l’avis éclairé d’une partie de la population s’opposant à ce choix.

Au-delà des « mécanismes démocratiques » trop souvent utiles pour encadrer des arguments difficiles à entendre, il y a certainement eu manquement de votre part quant à « l’esprit de la démocratie », vu ce climat de méfiance et de dissension qui s’est installé entre les tenants de visions différentes, ceux de « l’économie d’abord », d’une part, et ceux du « développement harmonieux de la communauté sous tous ses aspects », d’autre part. Visions différentes, mais malgré tout réconciliables pour peu qu’on agisse en « bon père de famille » qui écoute et décide à partir des opinions de tout le monde.

Depuis que ce projet chemine à travers assemblées, réunions et instances supérieures, vous vous êtes privés des connaissances techniques et des lumières tout aussi avisées que celles de vos experts-conseils, préférant croire et claironnant que ceux qui s’opposent ne veulent aucun changement. Et vous vous êtes surtout privés de la profondeur du vécu communautaire de ces personnes. Somme toute, vous avez cru économiser des efforts et avez succombé à la solution facile d’un développement économique qui n’aura sans aucun doute rien de durable. Qui viendra acheter à fort prix un condo en zone inondable sans assurance de pouvoir s’assurer contre les risques?

Nous venons de traverser un printemps difficile à l’échelle nationale, dû justement au principal objet du litige, soit la construction de plusieurs immeubles de 3 à 5 étages totalisant quelque 210 condos en zone inondable. Ce que le Québec vivait durement aurait dû, à l’instar des gouvernements, vous faire réfléchir un peu plus loin et vous mettre à l’écoute plus sérieusement des arguments solides de certains opposants qui avaient sonné la cloche depuis longtemps.

Pire, vous n’avez pas « planifié » ou imaginé votre municipalité autrement qu’à travers cette idée de « masse de condos », sans doute lucrative pour le promoteur, mais combien risquée pour l’avenir de la communauté. Vous n’avez pas fait l’exercice d’y regarder de plus près et de dégager une vision générale acceptable pour tout le monde et à laquelle seraient soumis les gestes municipaux dans les années à venir. Des expériences existent pourtant en ce sens pour répondre aux mêmes préoccupations que celle de la municipalité.

Maintenant que le gouvernement du Québec se propose de revoir sa politique en regard des zones inondables, au lieu d’aller demander d’être l’exception à la règle, il serait peut-être temps de faire quelques pas prudents du côté de vos commettants et de reprendre les rênes du développement de votre municipalité avec une attitude plus ouverte, plus respectueuse de ce qu’elle est fondamentalement et plus inclusive des idées qui y ont cours. Vous avez l’occasion de redevenir les élus de tout le monde et non ceux d’un seul promoteur. Au lieu de vous buter, pourquoi ne pas ouvrir un vrai dialogue entre tous (jeunes, vieux, commerçants, retraités, jeunes familles, etc.) pour qu’on recherche de nouvelles avenues de développement et qu’on y pose des gestes à la mesure de nos capacités, de notre rythme et de nos ressources? Pourquoi ne pas regarder plus sérieusement le regroupement des municipalités autour de ce lac?

North Hatley, comme vous le clamez souvent et à juste titre, est un bijou dont il faut préserver le lustre en tirant profit tout autant de ses forces que de ses contraintes. C’est visuellement un patrimoine en soi que des interventions trop clinquantes et non pertinentes à son environnement hydrique délicat, à sa communauté et au bon voisinage des cultures fondatrices, pourraient rapidement ternir.

« Small is Beautiful » s’applique parfaitement à son cas. Mais « Small is Beautiful » n’est pas synonyme de refus de l’évolution, de la modernité et de l’essor économique.

North Hatley a besoin de se construire une vision à long terme et de faire place à tout projet qui ira dans le sens d’un consensus obtenu par une vraie démocratie participative. North Hatley, comme le reste de la planète, doit inscrire dans cette vision, la fragilité, la protection et la mise à contribution de ses écosystèmes qui heureusement, par leur beauté, sont le fer de lance de l’économie du village.

À l’aube d’un prochain rendez-vous électoral, est-il pensable que le conseil municipal adopte des gestes responsables et concertés en regard de l’avenir?

Est-il pensable que les élus reprennent le contrôle d’un agenda qu’ils auront concerté avec leurs commettants et qu’ils répondent directement et sans filtre aux interrogations qui leur seront inévitablement transmises?

Est-il pensable que les élus soient vraiment médiateurs entre tous les intérêts et les forces en présence?

Il y a beaucoup à faire ici et il y a un relais à transmettre à des jeunes qui verront les choses à la lumière d’autres modèles et dont la principale préoccupation de survie tiendra obligatoirement compte de l’environnement.

La démocratie n’est pas un jeu déchirant qui doit se jouer tous les quatre ans. Elle est un exercice qui se fait au jour le jour, souvent dans la confrontation, dans la recherche de compromis et dans le respect des idées et des différences.

Vincent Ranallo, North Hatley

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la voix du village the voice of the village